Dépôt des comptes annuels : quelles sanctions en cas de non-dépôt ?
Chaque année, les sociétés commerciales doivent déposer leurs comptes annuels auprès du greffe du tribunal de commerce. Quelles sont les sanctions (civiles et pénales) en cas de non-dépôt des comptes annuels ? Une société peut-elle s’opposer à leur publication ? Qu’en est-il de la responsabilité personnelle du dirigeant de la société ?
L’obligation de dépôt des comptes annuels : rappels
Les entreprises concernées
Le dépôt des comptes annuels (ou comptes sociaux) est obligatoire pour les dirigeants des sociétés suivantes :
Les sociétés à responsabilité limitée : les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL)
Les sociétés par actions : sociétés anonymes (SA), les sociétés par actions simplifiées (SAS), les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) et les sociétés en commandite par actions (SCA).
Les sociétés en nom collectif (SNC) détenues par uniquement des SAS ou SARL
Les sociétés commerciales établies à l’étranger avec plusieurs établissements implantés en France
Les sociétés d’exercice libéral : les SEARL, les SELAFA, les SELCA et les SELAS
Les sociétés (et unions sous conditions) coopératives agricoles
L’obligation de dépôt des comptes sociaux par le dirigeant ne s’applique pas aux entrepreneurs individuels qui ont fait le choix de la micro-entreprise et bénéficient à ce titre d’un régime comptable simplifié (« micro-BIC » ou « micro-BNC »).
La procédure de dépôt des comptes annuels des sociétés commerciales
Le dépôt des comptes annuels s’effectue auprès du greffe du tribunal de commerce (Registre du Commerce et des Sociétés ou RCS), au plus tard un mois après l’approbation de ces comptes par l’assemblée générale de la société (ou deux mois pour les dépôts réalisés par voie électronique).
Le greffe se charge ensuite de publier les comptes annuels au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC). Cette publication a pour objectif de garantir la transparence de la vie économique en France. Les comptes annuels d’une société sont en effet publics. Toute personne intéressée peut ainsi s’assurer de la solvabilité d’une société commerciale en consultant le RCS, notamment sur le site internet Infogreffe.
Lors du dépôt des comptes annuels, le dirigeant de la société doit a minima fournir un bilan, un compte de résultats et les annexes. Des documents comptables complémentaires peuvent vous être demandés en fonction de la forme juridique de votre société.
La confidentialité des comptes annuels : pour quelles sociétés ?
Quelques entreprises commerciales peuvent, sous conditions strictes, demander à ce que leurs comptes ne soient pas publiés. C’est ce qu’on appelle l’option de confidentialité des comptes annuels.
Peuvent en bénéficier :
Les micro-entreprises comptant moins de 10 salariés, 350 000 € de total du bilan ou 700 000 € de chiffre d’affaires net
Les petites entreprises (au sens énoncé par l'article D.123-200 du Code de commerce) comptant moins de 50 salariés, 6 millions d’€ de total du bilan ou 12 millions d’€ de chiffre d’affaires nets
Les moyennes entreprises (toujours au sens du Code de commerce) peuvent demander à bénéficier de l’option de publication simplifiée de leur compte de résultat. Dans ce cas, seuls l’actif et le passif seront alors rendus publics.
Si vous optez pour cette solution, seules les administrations, la Banque de France et les autorités judiciaires pourront donc accéder à la totalité de vos comptes annuels.
Le non-dépôt des comptes annuels : les sanctions pénales
Selon l’article R.247-3 du Code de commerce, les sociétés qui ne déposent pas leurs comptes annuels risquent de devoir payer une contravention de cinquième classe. Celle-ci s’élève à 1 500 euros. En cas de récidive, cette amende peut monter à 3 000 euros.
Le délai de prescription de cette infraction est fixé à un an. Cela signifie que le juge pénal peut poursuivre la société pendant une période d’un an à compter de la date limite de dépôt des comptes annuels.
En cas de non-dépôt des comptes annuels, le juge peut tout à fait décider de poursuivre directement le dirigeant de la société.
En fonction du total de leur bilan, de leur chiffre d’affaires et du nombre de salariés au sein de l’entreprise, certaines sociétés (SARL, SA, SAS…) peuvent se trouver dans l’obligation de désigner un commissaire aux comptes.
Le dirigeant d’entreprise est concerné par cette obligation si sa société dépasse au moins deux des seuils suivants :
Un chiffre d’affaires annuel supérieur à 8 000 000 euros
Un bilan total supérieur à 4 000 000 euros (soit la somme de tous les actifs)
Plus de 50 salariés
Dans ces entreprises, le commissaire aux comptes qui a connaissance du non-dépôt des comptes sociaux est tenu de signaler cette infraction au procureur de la République. S’il s’abstient, il peut voir sa responsabilité pénale engagée.
Non-dépôt des comptes sociaux : les sanctions civiles
L’injonction par le président du tribunal de commerce
Dans le cas où une société ne dépose pas ses comptes sociaux dans les délais prévus par la loi, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut adresser une ordonnance d’injonction de déposer les comptes annuels au dirigeant de la société. Il a la possibilité d’agir de son propre chef, à la demande du ministère public ou de toute personne intéressée.
Une fois l’ordonnance du président du tribunal de commerce notifiée, le représentant légal de la société dispose d’un mois pour déposer les comptes sociaux au greffe.
L’article L.611-2 du Code de commerce prévoit que le président du tribunal peut accompagner son injonction d’une astreinte. Cette astreinte prend la forme d’une somme d’argent à payer par jour de retard. En pratique, cette astreinte n’est effectivement appliquée qu’au terme de la période d’un mois qui vaut mise en demeure.
L’ordonnance d’injonction du juge commercial fixe enfin une date d’audience.
L’audience devant le tribunal de commerce
Si au jour de l’audience, le président du tribunal de commerce constate que les comptes annuels ont bien été déposés dans le délai imparti par l’ordonnance d’injonction, l’affaire est clôturée.
En revanche, s’il constate par procès-verbal la persistance du non-dépôt des comptes, il prononce la liquidation de l’astreinte et condamne le dirigeant à s’en acquitter auprès du Trésor public.
La responsabilité du dirigeant
Dans un arrêt du 7 mai 2019 (cass. Com, 7 mai 2019, n° 17-21047), la Cour de cassation a considéré que le non-dépôt des comptes sociaux engage le responsable légal de la société à titre personnel. C’est donc au dirigeant de la société qu’il revient de s’acquitter de l’astreinte et, le cas échéant, de la contester en justice. Pour la Cour de cassation, le dirigeant ne peut pas faire supporter cette charge à la société.
Il est vivement conseillé aux dirigeants d’entreprises de déposer les comptes annuels de leur société immédiatement après réception de l’ordonnance d’injonction. En attendant l’audience du tribunal de commerce, ils s’exposent en effet à une astreinte élevée et surtout au déclenchement d’une procédure d’alerte par le président du tribunal de commerce.
Et si le dirigeant ne dépose toujours pas les comptes annuels de la société ?
Dès lors que l’injonction de dépôt des comptes est restée lettre morte au terme du délai d’un mois fixé par l’ordonnance, le président du tribunal de commerce peut décider d’engager des investigations. L’absence de dépôt des comptes constitue, en effet, souvent un indice de difficulté économique.
En faisant usage de son pouvoir d’enquête, le président du tribunal de commerce est en droit d’interroger :
les acteurs internes de l’entreprise (commissaire aux comptes, représentants du personnel...)
les administrations publiques
les services chargés de centraliser les incidents de paiement.
Si au terme de ses investigations, le président du tribunal constate que l’entreprise traverse des difficultés susceptibles d’affecter la continuité de son exploitation, il met alors en œuvre la procédure d’alerte.
Cette procédure débute généralement par un entretien avec le dirigeant, afin d’envisager des solutions de nature à redresser la situation de l’entreprise. À l’issue de cet échange, deux possibilités s’offrent au président du tribunal :
Ouvrir une procédure de mandat ad hoc (réaménagement des dettes sans information des salariés et des tiers) ou de conciliation, si l’entreprise n’est pas en cessation des paiements
OU
Saisir d’office le tribunal de commerce de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, si la société est en cessation des paiements
On l’a vu, le non-dépôt des comptes expose la société mais aussi les dirigeants à titre personnel à des sanctions civiles et pénales. Il risque aussi d’attirer l’attention du tribunal de commerce et de déclencher l’ouverture d’une procédure d’alerte. Pour vous soutenir, Simplitoo a développé un service complet d’assistance juridique aux entreprises. Nos experts vous accompagnent dans vos obligations administratives et légales, dont le dépôt de vos comptes annuels. N’hésitez pas à les contacter !